Articles de doctrine, actualités juridiques, sélection d’arrêts, mais aussi vie du cabinet…


Retrouvez sur cette page la tribune du CABINET CONFINO en baux commerciaux et immobilier d’entreprise.


Quelles sont les obligations d’information du maître d’œuvre à l’égard du maître d’ouvrage en matière de sous-traitance ?

L’arrêt rendu le 10 décembre 2014, en matière de sous-traitance, par la 3e chambre civile de la Cour de cassation impose de nouvelles obligations au maître d’oeuvre (Civ. 3e, 10 décembre 2014, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble « Les Deux Avenues » c/  Secob, n°13-24892).

L’histoire est banale. Un syndicat des copropriétaires confie la réfection de ses parkings et aires de circulation à un entrepreneur, lequel délègue le lot de reprise des revêtements des places de stationnement à un sous-traitant. À la suite du redressement judiciaire de l’entrepreneur, le sous-traitant agit en paiement contre le syndicat des copropriétaires sur le fondement de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance (imposant au maître d’ouvrage qui a connaissance de la présence sur le chantier de sous-traitants qui ne lui ont pas été présentés, d’enjoindre l’entrepreneur principal de les lui faire présenter pour agrément et acceptation de leurs conditions de paiement, et, à défaut de délégation de paiement à leur profit, d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni un cautionnement). Le syndicat des copropriétaires appelle alors en garantie le maître d’œuvre.

Décision : La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel qui retient  que le maître d’œuvre a manqué à son obligation de conseil vis-à-vis du maître d’ouvrage, alors qu’il assumait une « mission de direction et de surveillance du chantier » qui lui imposait d’informer le maître d’ouvrage de la présence d’un sous-traitant sur le chantier, « de lui conseiller de se les faire présenter, et, le cas échéant de l’agréer et de définir les modalités de règlement de ses situations ».

Notre commentaire : Le maître d’ouvrage qui a connaissance de sous-traitants sur le chantier s’expose à une action en paiement de dommages et intérêts s’il n’a pas accepté lesdits sous-traitants et agréé leurs conditions de paiement (ceux-ci ne bénéficiant pas alors de l’action directe en paiement contre le maître d’ouvrage ni vraisemblablement des garanties de paiement que sont la délégation de paiement ou le cautionnement).

Or, l’on sait que lorsqu’un maître d’ouvrage est assisté d’un maître d’œuvre, ce-dernier a une obligation générale de renseignement et de conseil (qu’il s’agisse de conseils techniques ou de conseils juridiques relevant de compétence usuelle comme en matière de permis de construire). On rappellera qu’antérieurement les obligations du maître d’œuvre en matière de sous-traitance se limitaient à informer le maître d’ouvrage de la présence de sous-traitants  mais non à devoir subir, à défaut, les conséquences de l’absence d’agrément (pour une illustration : Cass. civ. 3ème, 12 mars 2008, n°07-13651).

La Cour de cassation avait déjà franchi précédemment une étape en considérant que dès lors que le maître d’œuvre était lié au maître de l’ouvrage par un contrat incluant expressément la direction des travaux et leur coordination, l’absence d’alerte donnée au maître de l’ouvrage sur la présence au chantier d’un sous-traitant non agréé, constituait un manquement au titre duquel il devait  garantir le maître de l’ouvrage d’une partie des sommes mises à sa charge (Cass. civ., 10 févr. 2010, n°09-11562).

Mais par cet arrêt du 10 décembre 2014, la Cour de cassation va plus loin en imposant au maître d’œuvre, lorsque le maître d’ouvrage a connaissance de l’intervention de sous-traitants non agréés, de conseiller au maître d’ouvrage de se les faire présenter,  de les agréer éventuellement, et « définir les modalités de règlement de [leurs] situations »

A défaut, il engage sa responsabilité et il doit garantir le maître de l’ouvrage des conséquences dommageables de sa carence. Ainsi, la Cour de cassation nous dit ici que le maître d’œuvre doit donner un véritable conseil juridique. Mais l’arrêt ne nous éclaire pas sur l’étendue du conseil que le maître d’œuvre doit au maître de l’ouvrage. D’ailleurs, le maître d’œuvre étant « homme de l’art » et non pas juriste, l’on peut se demander s’il a vraiment qualité pour assister tout à fait utilement et entièrement le maître de l’ouvrage sur ces questions…

Extrait de la décision :

« Attendu […] [que le] maître d’œuvre chargé d’une mission de surveillance des travaux, avait pour obligation d’informer le maître de l’ouvrage de la présence d’un sous-traitant et de lui conseiller de se le faire présenter et, le cas échéant, de l’agréer et de définir les modalités de règlement de ses situations […] »